Front Porch Forum, la plateforme ultralocale qui réinvente l’entraide
Dans un monde dominé par les algorithmes, les flux infinis et les notifications, un petit État rural des États-Unis montre qu’une autre voie est possible. Le Vermont, 642 000 habitants, a vu naître un réseau social aussi populaire que Facebook… sans vidéos, sans likes, sans algorithmes, et centré entièrement sur le voisinage : Front Porch Forum.
Un réseau aussi simple que puissant
Chaque matin, Jody, sexagénaire vivant à Montpelier avec ses deux chats, parcourt les quelques annonces postées par ses voisins : dons d’objets, demandes d’aide, alertes locales, animaux perdus, infos municipales.
Le site, visuellement minimaliste, ressemble à Internet « d’avant » : peu d’images, pas de vidéos, aucune photo de profil. Mais l’essentiel est ailleurs : 240 000 habitants du Vermont l’utilisent régulièrement, soit près de la moitié de la population adulte.
Comme le résume Jody : « Grâce à Front Porch Forum, j’ai rencontré des gens pour prendre un café, discuter politique, trouvé un club de bridge… C’est un lien social précieux. »
Une plateforme née d’une simple newsletter
Front Porch Forum (FPF) a été créé en 2000 par Michael et Valerie Wood-Lewis, dans leur quartier de Burlington. À l'origine, ce n’est qu'une petite infolettre gérée sur un tableur.
Devant l’enthousiasme des habitants, le couple formalise la plateforme en 2006 et l’étend à tout l’État. Aujourd’hui, FPF est géré par une entreprise de 30 personnes, financée par des publicités locales et des dons citoyens.
Pas d’algorithme, pas de commentaires, pas de likes
Et cela change tout.
- Les forums ne s’actualisent qu’une fois par jour, comme un journal local.
- Impossible de commenter simultanément : on répond le lendemain, ou par email.
- Aucune fonction “j’aime”.
Ces choix réduisent la tension, l’addiction et les emballements émotionnels.
Michael Wood-Lewis résume la philosophie :
« Les réseaux sociaux classiques veulent vous retenir. Front Porch Forum veut vous ramener à la vie réelle. »
Le contenu est limité : quelques minutes suffisent pour tout lire. Résultat : pas de doomscrolling, pas de manipulation algorithmique, juste de l’information locale brute.
Une “infrastructure sociale dormante”
Au quotidien, beaucoup d’annonces sont banales : vente de canapé, recherche de plombier, coup de pouce pour un déménagement. Mais lors d’événements critiques, la plateforme se transforme en véritable réseau d’entraide.
Pendant les inondations de 2023, des centaines de messages affluent :
« Qui peut m’aider à vider mon sous-sol ? »
⇒ Dix personnes arrivent avec des seaux.
Pour les chercheurs universitaires, FPF représente une « infrastructure dormante » : elle semble discrète, mais devient indispensable en temps de crise.
Une modération exigeante… et efficace
FPF mise sur un pilier fort : toutes les publications sont relues avant publication.
14 employés sur 30 s’y consacrent, ce qui évite les attaques personnelles, le harcèlement ou les intox. Les modérateurs suppriment systématiquement les contenus toxiques, créant un cercle vertueux.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- 80 % des utilisateurs trouvent que les échanges y sont humains (contre 20 % sur Facebook).
- 78 % estiment que c’est une source d’information fiable (contre 16 % sur Facebook).
Les modérateurs restent anonymes pour éviter les tensions, et la plateforme interdit aussi les groupes privés, un lieu fréquent de dérapages sur d’autres réseaux.
Pourquoi ne pas l'étendre au reste du monde ?
Michael Wood-Lewis refuse d’étendre FPF hors du Vermont, pour préserver cette qualité exceptionnelle de modération. L’exemple de Nextdoor, réseau voisin mondialement déployé mais souvent polémique, sert de contre-modèle.
Pourtant, des chercheurs estiment qu’un réseau social comparable pourrait fonctionner ailleurs.
Pas besoin d’un État progressiste comme le Vermont : il s’agit d’un outil d’organisation locale, pas d’un espace politique.
Et partout, les communautés ont besoin de tisser du lien.
✨ Ce que Front Porch Forum nous enseigne
L’expérience du Vermont prouve qu’un réseau social peut :renforcer l’entraide locale, réduire les tensions et l’addiction, recréer un sentiment d’appartenance, fonctionner sans algorithmie ni surenchère technologique.
C’est une démonstration inspirante :
la technologie peut être simple, lente, locale… et incroyablement efficace.
Un modèle, peut-être, pour repenser nos propres réseaux d’entraide... et donc Trockee va continuer de s'inspirer pour ses futures versions !
- Tiré d'un article du Monde publié le 23 février 2025 -https://www.lemonde.fr/pixels/article/2025/02/23/dans-le-vermont-le-reseau-social-ultralocal-aussi-populaire-que-facebook_6559795_4408996.html

